DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE DES TROUBLES SENSORIELS CHEZ L'ENFANTS
( par E. Saban )
ANOMALIES DE L’AUDITION
Depuis quelques années, un dépistage auditif est réalisé dès les premiers jours de vie par un audiométriste qui passe à la maternité.
Ce dépistage précoce vise à mettre en évidence une surdité de perception (atteinte de l’oreille interne) qui sont des surdités la plupart du temps d’origine génétique, avec parfois des antécédents familiaux de surdité néo-natale, soit isolée, soit rentrant dans le cadre de syndromes, associant la surdité à d’autres anomalies.
Parfois, la cause de la surdité n’est pas génétique mais due à une infection maternelle pendant la grossesse (virale en général) et transmise au foetus, on parle d’infection materno-foetale (par exemple infection au CMV, le cytomégalovirus), ou toxique (syndrome d’alcoolisme foetal).
L’enfant est alors dirigé vers une consultation ORL spécialisée et reçoit un appareillage afin d’améliorer sa perception auditive et de lui donner toutes les chances d’acquérir le babil, puis le gazouillis et le langage.
En dehors de ces surdités de perception, le risque pour l’enfant d’acquérir une déficience auditive est représenté par les anomalies de transmission des sons, en rapport avec des anomalies de l’oreille moyenne: C’est la fameuse otite séromuqueuse, au cours de laquelle une collection de liquide inflammatoire stagne dans l’oreille moyenne et empêche le tympan de vibrer correctement et de transmettre le son vers l’oreille interne et le nerf auditif.
Cette otite séreuse, la plupart du temps bilatérale, est quasi constante chez les enfants gardés en grande collectivité (crèches) , et est favorisée par 3 facteurs que sont les rhumes répétés, les poussées dentaires, et l’usage de la tétine, (qui diminue la perméabilité de la trompe d’Eustache).
Elle est, contrairement aux surdités congénitales (c’est à dire acquises dès la naissance), réversible, soit spontanément, soit après un traitement médical ou parfois chirurgical représenté par l’ablation des végétations +/_ pose de yoyos (appelés aérateurs transtympaniques).
On estime qu’au delà d’une perte de 30db des deux côtés, l’enfant n’entendra pas suffisamment bien pour progresser en matière de langage, et le traitement devra donc lui être proposé à ce moment là.
La pose d’aérateurs peut être proposée avant l’âge d’un an chez les enfants qui font des otites aiguës répétées, surtout lorsqu’il s’agit d’otorrhées (pus extériorisé et perforation du tympan) , et l’ablation des végétations à partir de l’âge d’un an, car plus tôt, les végétations « repoussent » , obligeant l’ORL à réintervenir chirurgicalement.
Quoi qu’il en soit, les surdités de transmission bien prises en charge ne laissent pas de séquelles auditives et l’enfant pourra rattraper son éventuel retard de langage, soit spontanément, soit grâce à l’aide d’une rééducation orthophonique.
ANOMALIES DE L’ACUITÉ VISUELLE
Il n’est pas prévu d’examen ophtalmologique à la naissance, sauf si une malformation du globe oculaire est détectée lors de l’examen initial ou lors de l’examen de sortie de maternité, (buphtalmie par exemple, faisant craindre un glaucome congénital).
Le nouveau-né voit assez bien de très près (30 cm), mais beaucoup moins bien de loin, on estime qu’il a 1/10ème à 6 mois, 2/10ème à 9 mois, 4/10ème à 1 an, 6/10ème à 2 ans, 7/10ème à 3 ans et 10/10ème entre 5 et 6 ans.
Il voit en noir et blanc jusqu'à 3 mois, puis le rouge à partir de 3 mois, puis le vert à partir de 6 mois, puis les couleurs vives à partir de 8 mois et toutes les couleurs pastels à partir de 9 mois.
Un examen ophtalmologique précoce est demandé dans 6 circonstances :
Soit en cas de strabisme permanent, car le strabisme intermittent est fréquent et quasi physiologique jusqu’à 3-4 mois de vie.
Soit en cas d’imperforation des voies lacrymales et de sécrétions purulentes qui s’écoulent du canal lacrymal malgré un massage de l’angle interne de l’oeil (canthus interne), il est indiqué de montrer ces enfants au spécialiste vers l’âge de 3-4 mois.
Soit en cas de leucocorie (pupille blanche) pouvant faire craindre une cataracte congénitale.
Soit en cas de suspicion de cécité, l’enfant se crée dès les premiers mois des sensations visuelles en se passant les mains devant le visage (signe digito-oculaire de Francheschetti)
Soit en cas de prématurité, qu’il y ait eu ou non une oxygénothérapie, l’examen ophtalmologique avec fond d’oeil est indiqué dès la sortie de la maternité ou du service de néonatalogie.
Soit enfin en cas de toxoplasmose congénitale qui peut occasionner une atteinte ophtalmologique.
- Dans le premier mois ou années de vie, l’examen par un ophtalmologiste ne sera demandé que si l’enfant chute ou se blesse fréquemment.
Si les deux parents sont très astigmates, l’examen sera demandé entre deux et trois ans.
- A partir de trois ans, la vision de loin peut être explorée par le pédiatre, tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 6 ans, et celui-ci ne sera adressé au spécialiste qu’en cas de doute sur cette acuité, astigmatisme en général.
A 3 ans , la vision de loin peut être imparfaite (9/10) mais l’enfant doit avoir 10/10 a 3 ans et demi-4 ans. Si l’enfant n’a que 8/10 des deux côtés, il ne nécessitera pas forcément une correction, par contre, en cas d’anisotropie, c’est à dire de différence flagrante entre les deux yeux, une correction sera absolument nécessaire.
L’hypermétropie (anomalie de la vision de près) étant physiologique à cet âge, seuls ceux qui se penchent trop sur leur feuille ou se plaignent de maux de tête sont adressés au spécialiste, ils sont plus hypermétropes que les autres et auront donc besoin d’une correction optique.
- A 6 ans , l’examen ophtalmologique sera systématique, avant l’entrée en CP , âge d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Si le pédiatre décèle, bien avant cet âge, une anomalie de la vision de loin, l’ophtalmo pourra déceler une hypermétropie (même sans aucun symptôme (comme maux de tête ou fatigue visuelle par exemple), il pourra déceler un trouble de la convergence ou de la vision stéréoscopique (vision en relief), ou bien une anomalie de vision des couleurs (Daltonisme chez les garçons, ou dyschromatopsie c’est à dire impossibilité de distinguer les nuances de couleur dans les deux sexes).
- Lorsqu’une correction optique est instituée, l’ophtalmo verra l’enfant une ou deux fois par an, mais le pédiatre est tenu de vérifier l’acuité visuelle de loin avec la correction, et de réadresser l’enfant au spécialiste si celle ci n’est plus adaptée. De la même façon, il enverra l’enfant en premier lieu chez l’ophtalmo en cas de maux de tête récurrents, surtout en fin de journée, faisant craindre une fatigue visuelle ou une hypermétropie jusque là non décelée.
- Après 6 ans , l’examen de la vision de loin sera systématiquement effectué une fois par an, et la préadolescence est l’âge ou les myopies commencent en général à se manifester (Même si elles se manifestent parfois beaucoup plus tôt!).
Les enfants qui bénéficient d’une aide instrumentale comme l’orthophonie doivent absolument être vus par un ophtalmo qui a l’habitude des enfants avant le début de la rééducation : En effet, nombre d’enfants qui ne progressent pas avec l’orthophonie sont hypermétropes (non dépistés), ou bien associent une myopie (non diagnostiquée) à leur dyslexie.
CONCLUSION
Le dépistage précoce et la prise en charge rapide d’un trouble sensoriel , auditif et visuel, devrait être systématique, et toujours effectué par le médecin généraliste ou le pédiatre.
Mais en pratique de ville, encore bien des enfants sont dépistés trop tardivement, rendant peu efficace une éventuelle rééducation de troubles d’apprentissage.
Lorsque ceux ci sont le motif de la consultation, le premier rôle du médecin est de vérifier, et de corriger si nécessaire, ces deux fonctions essentielles.